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deux enfants. Maman leur donne mes vieux vêtements. La veuve Bargouiller, ajouta La Chesnais, habite passage du Dragon.

Et il indiqua le numéro, que j’ai oublié. Nous résolûmes, Fontanet et moi, de porter à la veuve Bargouiller la somme consacrée à l’infortune cachée, ou du moins, ce qui restait de cette somme, car, à l’instigation de Fontanet, j’en tirais chaque jour quelque chose pour acheter des gâteaux et des tablettes de chocolat. Fontanet m’engageait d’autant plus vivement à faire ces dépenses qu’il apporterait bientôt lui-même des sommes énormes à la caisse commune.

Le mercredi, jour de congé, ma mère me laissait sortir l’après-midi seul avec Fontanet qui lui inspirait une entière confiance. À un certain égard, elle n’avait pas tort : Fontanet ne faisait jamais de sottises, mais, volontiers, il en faisait faire aux autres. Ma mère ne pouvait pas pénétrer le caractère de Fontanet, qui se montrait toujours à son avantage devant elle et déployait ce qu’il faut d’hypocrisie pour obtenir l’estime du monde. Nous profitâmes de cette confiance pour aller visiter la veuve Bargouiller. La rue de Rennes n’était pas encore percée et l’on pénétrait dans la cour du