Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/295

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et regardait aux centimes. Il y avait du Napoléon en lui par sa faculté de pénétrer dans tous les détails sans perdre de vue l’ensemble.

Ignorant et romantique, il se plaisait pourtant, comme Napoléon, à évoquer sur son passage les grands noms de l’Histoire, Babylone, Ninive, Alexandre, le sultan Aroun-al-Raschid. Et il était merveilleux, ce petit homme brun à moustache cirée de sous-lieutenant, quand il parlait de réveiller par le sifflet de ses machines à vapeur les taureaux ailés du palais de Sargon. Napoléonien encore par sa foi en son étoile, par un optimisme communicatif et par la profonde possession de cette idée qu’on ne perd définitivement une affaire que quand on la croit perdue.

Sa voix trouvait des accents sublimes pour faire appel à tous les partis politiques : légitimistes, orléanistes, impérialistes, républicains, et à toutes les capacités, savants, ingénieurs, artistes, industriels, banquiers et poètes, et conviait à ce grand banquet de la civilisation tous les ouvriers et tous les paysans.

Un jour que je lui faisais visite, madame Airiau me dit que son mari irait faire, dans