Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/175

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sivement le pied sur chacun de ces îlots de tapisserie, à m’avancer jusqu’à l’angle de la cheminée où je m’assis essoufflé.

Il y avait sur cette cheminée, dans un grand cadre doré, un écriteau qui s’intitulait, en gothique flamboyant : Tableau d’honneur, et qui contenait un très grand nombre de noms, parmi lesquels je n’eus pas le plaisir de trouver celui de Jeanne Alexandre. Après avoir lu plusieurs fois ceux des élèves qui s’étaient honorées aux yeux de mademoiselle Préfère, je m’inquiétai de ne rien entendre venir. Mademoiselle Préfère aurait certainement réussi à établir sur ses domaines pédagogiques le silence absolu des espaces célestes, si les moineaux n’avaient choisi sa cour pour y venir en essaims innombrables piailler à-bec-que-veux-tu. C’était plaisir de les entendre. Mais de les voir, le moyen, je vous prie, à travers les vitres dépolies ? Il fallut me contenter du spectacle qu’offrait le parloir décoré du haut en bas, sur les quatre murs, des dessins exécutés par les pensionnaires de l’établissement. Il y avait là des vestales, des fleurs, des chaumières, des chapiteaux, des volutes et une énorme tête de Tatius, roi des Sabins, signée Estelle Mouton.