Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/186

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Elle sourit et cligna de l’œil.

Je lui représentai alors que les difficultés où nous nous mettons en agissant de notre mieux, selon notre conscience, ne nous écœurent ni ne nous lassent, mais que ce sont, au contraire, de salutaires épreuves. Cette philosophie la toucha très peu. Elle parut même tout à fait indifférente à ma morale. N’était-ce point naturel ? et ne sais-je donc pas qu’il faut n’être plus innocent pour se plaire aux moralistes ? J’eus l’esprit de couper court à mes maximes :

— Jeanne, dis-je, vous parliez tout à l’heure de madame de Gabry. Parlons de votre fée. Elle était très joliment faite. Modelez-vous ici des figures de cire ?

— Je n’ai pas de cire, me répondit-elle, en laissant tomber ses bras, pas de cire !

— Pas de cire, m’écriai-je, dans une république d’abeilles !

Elle rit.

— Et puis, voyez-vous, monsieur, ajouta-t-elle, mes figurines, comme vous dites, ne sont pas dans le programme de mademoiselle Préfère. Pourtant j’avais commencé un tout petit Saint Georges pour madame de Gabry, une poupée de