Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/188

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— C’est cela ! me dit Jeanne, il y en a pour toute la pension.

La dame à la pèlerine intervint :

— Mademoiselle Alexandre, dit-elle, remerciez monsieur de sa générosité.

Jeanne la regarda d’un air assez farouche ; puis, se tournant vers moi, elle me dit avec une remarquable fermeté :

— Je vous remercie, monsieur, de la bonté que vous avez eue de venir me voir.

— Jeanne, lui dis-je en lui serrant les deux mains, restez une bonne et courageuse enfant. Au revoir.

En se retirant avec ses paquets de chocolat et de pâtisseries, il lui arriva de faire claquer les poignées de sa corde contre le dossier d’une chaise. Mademoiselle Préfère indignée pressa son cœur à deux mains sous sa pèlerine et je m’attendis à voir s’évanouir son âme scolastique.

Quand nous fûmes seuls, elle reprit sa sérénité, et je dois dire, sans me flatter, qu’elle me sourit de tout un côté du visage.

— Mademoiselle, lui dis-je, profitant de ses bonnes dispositions, j’ai remarqué que Jeanne Alexandre était un peu pâle. Vous savez mieux