Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/238

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Dieu ne plaise ! lui fut-il répondu, je trouverai quelqu’un de moins mignon que vous. Il me faut du repos. C’est une marchandise dont vous ne tenez pas boutique à la foire, sous l’enseigne de Motus-un-doigt-sur-la-bouche. Allez rire et ne restez pas ici, de peur que la vieillesse ne se gagne.

Jeanne, nous ayant rapporté ces paroles, ajouta qu’elle aimait beaucoup le langage de la vieille Thérèse. Sur quoi, mademoiselle Préfère lui reprocha d’avoir des goûts peu distingués.

J’essayai de l’excuser par l’exemple de Molière.

Il arriva alors que, montée sur mon échelle pour chercher un volume, elle en fit tomber toute une rangée ; ce fut un écroulement sonore ; et mademoiselle Préfère en eut, en personne délicate, une petite attaque de nerfs. Jeanne suivit lestement les livres au pied de l’échelle. C’était la chatte métamorphosée en femme attrapant des souris métamorphosées en bouquins. Un de ceux là, l’intéressant, elle se mit à le lire assise sur ses talons. C’était, nous dit-elle, le Prince Grenouille. Mademoiselle Préfère se plaignit à cette occasion du peu de goût que Jeanne avait pour la poésie. On ne pouvait lui faire réciter