Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/249

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liquide qu’on nomma je ne sais pourquoi une crème, et disparut comme une ombre.

Alors, mademoiselle Préfère raconta à maître Mouche avec de grands transports tout ce qu’elle m’avait dit dans la cité des livres, pendant que ma gouvernante était au lit. Son admiration pour un membre de l’Institut, ses craintes de me voir malade et seul, la certitude où elle était qu’une femme intelligente serait heureuse et fière de partager mon existence, elle ne dissimula rien ; bien au contraire, elle ajouta de nouvelles folies. Maître Mouche approuvait de la tête en cassant des noisettes. Puis, après tout ce verbiage, il demanda avec un agréable sourire ce que j’avais répondu.

Mademoiselle Préfère, une main sur son cœur et l’autre étendue vers moi, s’écria :

— Il est si affectueux, si supérieur, si bon et si grand ! Il a répondu… Mais je ne saurais pas moi, simple femme, répéter les paroles d’un membre de l’Institut : il suffit que je les résume. Il a répondu : oui, je vous comprends, oui.

Ayant ainsi parlé, elle me prit une main. Maître Mouche se leva, tout ému, et me saisit l’autre main.