Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/116

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que La Grange appelle une bourrasque, et qui fut, si l’on veut, une disgrâce en manière de bourrasque. M. de Ratabon, surintendant des bâtiments du roi, fit démolir le théâtre du Petit-Bourbon, sans en avoir averti les comédiens, qui en éprouvèrent une pénible surprise.

Leurs doléances furent portées au roi. Mais M. de Ratabon répondit que « la place de la salle étoit nécessaire pour le bâtiment du Louvre, et que, les dedans de la salle, qui avoient été faits pour les ballets du roi, appartenant à Sa Majesté, il n’avoit pas cru qu’il falloit entrer en considération de la comédie pour avancer le dessein du Louvre ». Sur quoi La Grange nota dans son registre que la « méchante intention de M. de Ratabon » était manifeste. Mais Monsieur, désireux de réparer le tort fait à ses comédiens, demanda pour eux la salle du Palais-Royal. Le roi la leur donna, et M. de Ratabon reçut ordre exprès de faire les grosses réparations.

La Grange consigna dans son registre une autre bourrasque qui, comme la première, devait tourner bientôt en bonace. Le mauvais vent venait cette fois des comédiens de l’hôtel de Bourgogne et du Marais, qui faisaient à certains comédiens de Monsieur des propositions pour les attirer chez eux. « Mais, dit La Grange, la troupe de Monsieur demeura stable : tous les acteurs aimoient le sieur de Molière, leur chef, qui joignoit à un mérite et une capacité extraordinaires une honnêteté et une manière engageante qui les obligea tous à lui protester qu’ils vouloient courir sa fortune et qu’ils ne le quitteroient jamais, quelque