Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/140

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Racine avait dix-neuf ans quand il sortit de Port-Royal pour suivre le cours de philosophie du collège d’Harcourt. A peu de temps de là, il s’établit près de son oncle Vitart, à l’hôtel de Luynes, où il respira l’air du siècle. 11 était alors fort lié avec un petit abbé qui avait « le cœur très-tendre et très-disposé à recevoir les douces impressions de l’amour’ ». Le Vasseur fréquentait les comédiennes et portait dans les ruelles l’habit blanc de Saint-Jean-des-Vignes. L’oncle Vitart aimait les galanteries et les madrigaux ; il prêtait de l’argent à son neveu, « dont les moyens étoient fort médiocres1 ». Racine faisait de petits vers, allait au cabaret deux ou trois fois le jour et était en chemin de devenir un bel esprit. C’est en vivant de la sorte qu’il composa une ode sur le mariage du roi : La Nymphe de la Seine.

Vitart la porta à Chapelain, qui tenait la clef de la cassette royale. Chapelain objecta qu’on ne devait pas mettre des tritons dans une rivière. Racine ôta les tritons et reçut une gratification.

Un roi de vingt-deux ans, ignorant, fier, obstiné, prenait en main cette royauté rendue enfin toute-puissante par le travail séculaire des grands ouvriers de la maison de France. Louis XIV aimait les femmes et le pouvoir ; plus tard il aimerait les jardins, les bâtiments, les promenades en carrosse dans les camps. Dès son mariage, il s’amusa et amusa la noblesse à des ballets et à des carrousels, et commença d’offrir aux poètes

1. Lettre de Racine.

2. Lettre de Racine.