Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/161

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directrice de Saint-Cyr. La cour accorda à ces représentations tout le prix que Louis XIV et Mme de Maintenon y donnaient. Ce fut la grande chose de l’année. Les ministres quittaient leurs affaires les plus pressées pour aller entendre les demoiselles de Saint-Cyr.

Racine fit une nouvelle tragédie pour Saint-Cyr : Athalie. Mais les fêtes à’Esther et cet éclat mondain jeté sur des pensionnaires élevées dans la piété avaient blessé les directeurs spirituels de Mme de Main-tenon. Les ennemis de Racine criaient au scandale. Le roi vieillissant devenait plus attentif aux conseils des dévots. Les jeunes filles récitèrent Athalie deux ou trois fois à Versailles dans la chambre de Mme de Maintenon, avec les habits de Saint-Cyr ornés à peine de quelques rubans et de quelques perles, devant le roi, les princes du sang et quelques personnes considérables. On fit quelques récitations plus nues encore et plus discrètes dans la Classe bleue ; et ce fut tout. La pièce ainsi étouffée fut raillée par les ennemis du poète, et le public ne la connut pas.

Racine, en réformant sa vie, s’était réconcilié avec ses vieux maîtres. Il avait eu d’abord le pardon de Nicole, parce que c’était Nicole qu’il avait le plus offensé. Il était tombé aux pieds d’Arnault, et le grand docteur s’était mis à genoux pour embrasser le poète repentant. Il allait souvent à Port-Royal, il y menait tous les ans sa famille à la procession du Saint-Sacrement ; il assista à la translation du cœur d’Arnauld mort en exil, il quitta Versailles au premier bruit que Nicole était frappé d’apoplexie ; il était chargé des affaires