Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/165

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Cette paroisse conserve aussi la pierre brisée qui porte l’épitaphe de Jean Racine, surmontée du cimier de chevalier et de l’écu portant le cygne héraldique.

Jean Racine vécut au moment précis oli le génie français atteignait sa plénitude, où la langue, entièrement formée, gardait encore toute sa jeunesse, à l’âge d’or. Il fit des poètes anciens son étude et ses délices et se rattacha étroitement à cette tradition grecque et latine, toute de raison et de beauté, qui créa les formes de la poésie, ode, épopée, tragédie, comédie. La tendresse, la sensualité du poète, ses ardeurs, ses curiosités, ses faiblesses même le disposaient à connaître les passions qui sont la matière de la tragédie et à exprimer la terreur et la pitié.

Ainsi son temps, son éducation, sa nature conspiraient à faire de lui le plus parfait des poètes français et le plus grand par la continuité de sa grandeur1.

i. On m’apporte un Racine de Charles Le Goffic (1913), où je trouve ces lignes bien remarquables :

« Nous n’aimons peut-être pas Racine comme l’aimaient ses contemporains et comme on l’aima chez nous jusqu’au romantisme… Si l’on aimait Racine, on eût peut-être été embarrassé de dire pourquoi, sinon justement parce qu’il était Racine et que la poésie française avait atteint chez lui son point de perfection… Cela était très suffisant en somme, puisque aucun nuage n’avait encore troublé l’horizon littéraire et qu’on n’imaginait pas qu’il pût venir un temps où la raison et les grâces seraient proscrites de nos foyers. Au lendemain d’une si prodigieuse catastrophe et dont nous commençons à voir les effets désastreux, il apparaîtrait bien que, dans notre revenez-y de tendresse pour -l’auteur à’Andromaque, la conscience de nos égarements passés a pour le moins autant de part que le véritable attachement.

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