Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/169

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certain bourgeois de la Cité, père d’une belle et honnête jeune fille. Elle se nommait Marie ; il l’aima et fut aimé d’elle. Le reste du roman est simple ; il est tiré tout entier des registres des paroisses.

Le 17 août 1694, Le Sage obtint de l’archevêque de Paris une dispense de publication de bans pour épouser Marie-Élisabeth Huyard, fille d’André Huyard, bourgeois de Paris, et de Marie Carlos, demeurant l’un et l’autre sur la paroisse Saint-Barthélemi.

En vertu d’une nouvelle dispense, accordée le 27 septembre de la même année, le mariage fut célébré le jour suivant dans l’église Saint-Sulpice, devenue à cette date la paroisse des Huyard, comme c’était déjà celle de Le Sage.

Marie avait vingt-deux ans, Alain-René, vingt-sept ans. Il était avocat au Parlement. Il n’avait point de cause, et, grâce à l’oncle Gabriel, pas un sou vaillant. Marie avait apporté en dot sa jeunesse, sa beauté, sa vertu. Ils étaient bien obscurs, ces deux pauvres enfants, et tellement perdus dans le royaume, au milieu de la foule des bourgeois vêtus de brun, qu’il est impossible aujourd’hui de retrouver leur trace. Danchet, camarade d’Alain-René à l’Université, l’ami Danchet, bon humaniste, excellent cœur, fréquenta le jeune couple ; mais, besogneux aussi, il s’en fut professer à Chartres.

On croit qu’Alain-René s’en alla avec sa femme du côté de Vitré et qu’il y fut secrétaire d’un fermier général dans les aides ou dans les gabelles. Ce qui est certain, c’est qu’il était de retour à Paris en 1698, et logé proche cette église Saint-Sulpice où il s’était