Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/170

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marié et où il fit baptiser, le 24 avril, son fils Jules-François. Il avait, dans la capitale, un protecteur dont le bras était long et la main légère, et qui le protégea comme il voulait être protégé, c’est-à-dire sans lui faire jamais avoir un denier. C’était l’abbé de Lyonne, abbé de Marmoutier et de Châlis, et prieur de Saint-Martin-des-Champs.

Il attira son ami vers Montmartre, et c’est à Saint-Eustache que Le Sage fit baptiser son troisième fils François-Antoine, le 23 février 1700.

Deux ans après, il eut une fille. Bref, il était chargé d’une femme et de quatre enfants, et toute sa fortune était dans sa tête, qu’il avait bonne et bien meublée.

Il avait taillé sa plume dès l’année de son mariage, pour tirer de son encrier quelque honneur et surtout quelque profit. N’ayant trouvé rien de mieux que de traduire les lettres du rhéteur Aristénète, il en avait fait un mince volume que l’ami Danchet fit imprimer à Chartres. Personne ne prit garde à cette copie infidèle d’un assez mauvais original. Il fallait chercher un autre filon, ouvrir une autre veine. C’est, paraît-il, l’abbé de Lyonne qui montra à son ami la mine à creuser. Il lui conseilla d’apprendre l’espagnol, afin de pouvoir transporter en France la littérature d’au delà des Pyrénées. J’imagine que le prieur de Saint-Martin-des-Champs avait en vue les grandes pièces de cape et d’épée des émules et des successeurs de Calderon. Le Sage n’eut pas d’abord la main heureuse. Il traduisit trois ou quatre tragédies et un roman, sans aucun succès. Enfin, l’année 1707 rompit