Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/199

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recevaient alors un accueil favorable. On avait vu paraître successivement les Nouvelles de la république des lettres, le Journal de Trévoux, la Bibliothèque universelle de Leclerc, le Journal littéraire de Salengre, l’Histoire des ouvrages des savants de Basnage, la Bibliothèque française de Camusat, le Nouvelliste du Parnasse de Desfontaines, l’Année littéraire de Fréron, etc., etc. L’abbé Prévost intitula sa gazette : le Pour et le Contre. Par ce titre, il promettait d’être équitable : il tint parole, et, bien qu’il eût des ennemis, il ne se laissa induire en aucun excès de langage. La vie ne l’avait pas gâté ; il était encore l’honnête homme qu’on vit à Rouen, quand, insulté par un jésuite, il se tut plutôt que de répondre sur le ton de son adversaire. Mais, s’il avait de la politesse, il n’avait pas de régularité. La gazette en voulait ; il se lassa de la gazette, et, dès le second tome, il chargea Lefebvre de Saint-Marc de l’écrire pour lui. Lefebvre de Saint-Marc avait grand besoin de travailler pour vivre. Pauvre officier, pauvre précepteur, pauvre publiciste, il se remuait et ne faisait que changer de misère. Il n’y avait pas longtemps qu’il rédigeait le Pour et le Contre quand les abonnés, voyant la différence des styles, invitèrent Prévost à reprendre la plume. Il s’exécuta de bonne grâce dès la troisième feuille du tome III, assez content, en somme, de ne pouvoir être remplacé si aisément qu’il avait cru.

Sa gazette ayant réussi, il fut déchiré dans toutes les autres. L’abbé Lenglet Dufresnoy raconta dans la sienne que l’abbé Prévost était un Médor qui enlevait les filles et dupait les aubergistes. Prévost se