Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/22

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Marguerite pour n’être pas surpris qu’elle écrive si bien.

Entre autres dons de grâces immortelles,
Ma Dame escript si hault et doulcement,
Que je m’estonne en voyant choses telles
Qu’on n’en reçoit plus d’esbahissement.
Puis quand je l’oy parler si sagement,
Et que je voy sa plume travailler,
Je tourne bride, et m’esbahy comment
On est si sot de s’en esmerveiller.

La courtoise Marguerite rendit louange pour louange. Clément ayant composé un dizain pour Hélène Tournon, et cette dame, suivante de la duchesse, étant, à l’endroit des rimes, muette comme les poissons compagnons de Vénus, c’est la bonne Marguerite qui prit la plume et répondit que les vers du poète ne se pouvaient payer ;

Car estimer on peult l’argent au poix,
Mais on ne peult (et j’en donne ma voix)
Assez priser votre belle science.

Paroles dignes d’une princesse et qui font songer à cette dauphine d’un temps plus gothique qui, rencontrant le poète Alain Chartier endormi dans une galerie, baisa la bouche qui savait si bien dire !

Ce galant commerce alla-t-il plus avant et la veuve du duc d’Alençon eut-elle avec le gentil poète, un peu libertin et bavard, des entretiens plus secrets ? Non, et l’on sait comme cette honnête dame en usait quand elle était serrée de trop près. Elle ne se fâchait pas, mais elle disait : « Non, » et menaces ni larmes ne la faisaient revenir de ce nenni avec un doux sourire.