Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/3

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sif. On écrit pour les citadins. L’existence des grandes villes inspire le goût des champs. Il est si naturel de préférer ce qu’on n’a pas à tout ce qu’on a ! Puis il fallait apaiser cette soif de lait qui venait aux palais brûlés de vins grecs. Les tableaux de nature faits pour ce monde de riches et de voluprueux ressemblaient à ces peintures qu’on voit sur les murs des maisons de Pompéi : petits arbres et édicules, mêlés à des enroulements, à des volutes, et perdus dans le caprice de l’ornementation.

L’auteur était quelque rhéteur à la mode, habile à orner le sujet de tous les agréments de la tradition. Qu’il soit Héliodore d’Emèse. Achille Tatius d’Alexandrie, Xénophon d’Antioche ou Xénophon d’Éphèse, c’est le même homme, confit en lettres et en grammaire, le même esprit orné, poli, usé. Ces auteurs de diégèmates ou de dramatiques, comme ils nommaient leurs romans (διῄγηματά, δϱαματιϰά) connaissent toute la littérature hellénique, désormais complète, les petits et les grands poètes, qu’ils font métier d’expliquer. Ils savent toutes les curiosités littéraires. Ils ont une longue mémoire et sont très ingénieux assembleurs de mots. Quant à voir d’eux-mêmes les choses de la vie, à saisir directement les aspects de la nature, ce n’est pas leur affaire. S’ils décrivent quelque scène de vendange, ils n’ont point souci de peindre au vif de vrais vignerons ; c’est quelque fine épigramme descriptive qu’ils auront soin d’affiner encore en la copiant dans leur prose plus recherchée et plus travaillée que les vers les plus savants des poètes alexandrins. Ils renchérissent sur Méléagre. Ils finissent un monde ; ils