Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/47

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les gens de petite naissance le mépris dont les seigneurs et dames de Sottenville les accablaient du haut de quelque pigeonnier. Voiture, fils d’un marchand de vin, était introducteur des ambassadeurs chez Monsieur, gentilhomme ordinaire chez Madame et maître d’hôtel par intérm. Mais quelle charge donner à ce poète qui ne pouvait seulement pas se gratter le nez ?

Lui, qui n’était jamais à court de requête, trouva ce qui lui convenait. Conduit au Louvre en machine et présenté à la reine par Mme de Hautefort, il demanda à Sa Majesté d’être nommé son malade à titre d’office. La reine sourit. Il prit ce sourire pour un brevet et sollicita aussitôt, en sa nouvelle qualité, un logement au Louvre. « C’est, disait-il, une belle occasion pour Votre Majesté de fonder un hôpital à peu de frais, puisque j’ai à moi seul tous les maux qu’un hôpital renferme. » Il ne fut point logé, mais il reçut une pension. Mazarin, bien que peu sensible à tout le bien que le poète écrivait de lui, lui payait en outre cinq cents écus par ein. Par malheur on touchait à une époque de troubles.

Mazarin était fort détesté des Parisiens. Sa souplesse ne lui faisait gagner que du mépris. La rébellion était dans l’air. Le 13 mai 1648, le Parlement refusa d’enregistrer un édit fiscal. Défunt messire Paul Scarron, de son vivant conseiller en la grand chambre, dut tressaillir d’aise au fond de son tombeau. S’il eût été en vie le 26 août de la même année, il n’eût pas manqué de se faire arrêter au sortir du Te Deum en compagnie du bonhomme Broussel. Le lendemain 27, Paris était hérissé de barricades et le Ma-