Page:Anatole France - Le Jardin d’Épicure.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que sœur Anne est assise aujourd’hui à la droite du Père. Jamais cœur plus pur n’a battu sous la robe blanche des Feuillantines. Je me figure cette sainte fille d’aspect candide, un peu grasse, se promenant à pas lents entre les carrés de choux du jardin conventuel, et marquant sans trouble, de son doigt blanc, sur le livre, ses péchés aussi réguliers que sa vie : paroles vaines, distractions dans les assemblées, distractions aux offices, désobéissances légères et sensualité dans les repas. Ce dernier trait me touche jusqu’aux larmes. Sœur Anne mangeait avec sensualité des racines cuites à l’eau. Elle n’était point triste. Elle ne doutait point. Elle ne tenta jamais Dieu. Ces péchés-là n’ont point de corne dans le