Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aussi attique et aussi cicéronien, peu s’en faut, qu’on peut l’être dans une troupe de petits grimauds régie par d’honnêtes barbacoles.

Il travaillait peu pour la gloire et ne brillait guère sur les palmarès ; mais il travaillait beaucoup pour que cela l’amusât, comme disait La Fontaine. Ses versions étaient fort bien tournées et ses discours latins eussent mérité les louanges même de M. l’Inspecteur, sans quelques solécismes qui les déparaient généralement. Ne vous a-t-il pas déjà conté qu’à douze ans les récits de Tite-Live lui arrachaient des larmes généreuses ?

Mais c’est en abordant la Grèce qu’il vit la beauté dans sa simplicité magnifique. Il y vint tard. Les fables d’Ésope lui avaient d’abord assombri l’âme. Un professeur bossu les lui expliquait, bossu de corps et d’âme. Voyez-vous Thersite conduisant les jeunes Galates dans les bosquets des Muses ? Le petit bonhomme ne concevait pas cela. On croira que son pédagogue bossu, se vouant spécialement à expliquer les fables d’Ésope, était admissible dans cet emploi : non pas ! c’était un faux bossu, un bossu géant, sans esprit et