Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/116

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vent en elle. Ô ces bas sales, quelle gloire véritable !

Il reprit la lettre et la renferma dans son portefeuille. Puis, s’étant armé d’un couteau à manche de corne, il attaqua de la pointe une figure à peine ébauché dans la poignée de son bâton. Cependant il s’en donnait lui-même des louanges :

— Je suis habile dans tous les arts des mendiants et des vagabonds. Je sais ouvrir les serrures avec un clou et sculpter le bois avec un mauvais eustache.

La tête commençait à paraître. C’était un maigre visage de femme, qui pleurait.

Choulette y voulait exprimer la misère humaine, non point simple et touchante, telle que l’avaient pu sentir les hommes d’autrefois, dans un monde mêlé de rudesse et de bonté, mais hideuse et fardée, à cet état de laideur parfaite où l’ont portée les bourgeois libres penseurs et les militaires patriotes, issus de la Révolution française. Selon lui, le régime actuel n’était qu’hypocrisie et brutalité. Le militarisme lui faisait horreur.

— La caserne est une invention hideuse des temps modernes. Elle ne remonte qu’au xviie siècle. Avant, on n’avait que le bon corps de garde où les soudards jouaient aux cartes et faisaient