Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/165

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gauche, l’autre main jouait nue avec des violettes. Dechartre avait le goût, l’amour, la folie des belles mains. Les mains présentaient à ses yeux une physionomie aussi frappante que le visage, un caractère, une âme. Celles-là le ravissaient. Il les trouvait sensuelles et spirituelles. Il lui semblait qu’elles étaient nues par volupté. Il en adorait les doigts fuselés, les ongles roses, la paume un peu grasse et tendre, traversée de lignes élégantes comme des arabesques et s’élevant à la base des doigts en petits monts harmonieux. Il les examina avec une attention charmée jusqu’à ce qu’elle les eût fermées sur le manche de son ombrelle. Alors, un peu en arrière d’elle, il la regarda encore. Le buste et les bras d’une ligne gracile et pure, les hanches riches, les chevilles fines, dans sa belle forme d’amphore vivante, elle lui plut toute.

— Monsieur Dechartre, cette tache noire, là-bas, ce sont les jardins Boboli, n’est-ce pas ? Je les ai vus, il y a trois ans. Ils n’avaient guère de fleurs. Pourtant, avec leurs grands arbres tristes, je les aimais.

Il fut presque surpris qu’elle parlât, qu’elle pensât. Le son clair de cette voix l’étonnait comme s’il ne l’avait pas encore entendue.

Il répondit au hasard, et sourit avec effort