Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/224

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heureuse au fond de laquelle saint François repose nu, dans une auge de pierre, avec une pierre pour oreiller. Car il ne voulut pas emporter même un linceul de ce monde où il laissait la révélation de toute joie et de toute bonté.

— Adieu, monsieur Choulette. Rapportez-moi une médaille de sainte Claire. J’aime beaucoup sainte Claire.

— Vous avez bien raison, madame. C’était une dame remplie de force et de prudence. Quand saint François, malade et presque aveugle, vint passer quelques jours à Saint-Damien, auprès de son amie, elle lui bâtit de ses mains une cabane dans le jardin. Il se réjouit. Une langueur douloureuse et la brûlure de ses paupières lui ôtaient le sommeil. Une troupe de rats énormes venait l’attaquer la nuit. Alors il composa un cantique plein d’allégresse pour bénir le splendide frère Soleil, et notre sœur l’Eau, chaste, utile et pure. Mes plus beaux vers, ceux même du Jardin clos, ont moins de charme inévitable et de splendeur naturelle. Et il est juste qu’il en soit ainsi, parce que l’âme de saint François était plus belle que n’est la mienne. Meilleur que tous ceux de mes contemporains qu’il m’a été donné de connaître, je ne vaux rien. Quand François eut trouvé sa chanson du Soleil, il fut très content. Il songea : Nous irons, mes frères et moi,