Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/246

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que je t’aime, pour que je te sois attaché, pour que je ne puisse pas vivre sans toi. Nous avons connu ensemble des plaisirs inimaginables. Et tu n’en refusais pas ta part. Oh ! je ne te prenais pas de force. Tu voulais bien. Il y a six semaines encore, tu ne demandais pas mieux. Tu étais tout pour moi. J’étais tout pour toi. Il y avait des moments où nous ne savions plus si j’étais toi ni si tu étais moi ; et puis tu veux que tout d’un coup je ne sache plus, que je ne te connaisse plus, que tu sois pour moi une étrangère, une dame qu’on rencontre dans le monde. Ah ! tu as un bel aplomb, toi ! Voyons, est-ce que j’ai rêvé ? Tes baisers, ton souffle sur mon cou, tes cris, ce n’est donc pas vrai ? J’invente tout ça, dis ? Oh ! il n’y a pas de doute : tu m’aimais. Je le sens encore sur moi, ton amour. Eh bien ! je n’ai pas changé. Je suis ce que j’étais. Tu n’as rien à me reprocher. Je ne t’ai pas trompée avec d’autres femmes. Ce n’est pas pour m’en faire un mérite. Je n’aurais pas pu. Quand on t’a connue, on trouve aux plus jolies un goût fade. Je n’ai jamais eu l’idée de te tromper. Je me suis toujours conduit envers vous en galant homme. Pourquoi ne m’aimeriez-vous plus ? Mais réponds-moi, parle donc. Dis que tu m’aimes encore. Dis-le, puisque c’est vrai. Viens, viens ! Thérèse, tu sentiras tout de suite que tu m’aimes comme tu m’aimais autrefois, dans