Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peu d’amitié dans votre colère, un souvenir aigre et doux, comme ces temps d’automne, où il y a du soleil et de la bise. C’est ce que je mérite. Ne soyez pas dur à la visiteuse agréable et frivole qui passa à travers votre vie. Faites-moi des adieux comme à une voyageuse qui s’en va on ne sait où, et qui est triste. Il y a toujours tant de tristesse à partir ! Vous étiez irrité contre moi, tout à l’heure. Oh ! je ne vous le reproche pas. J’en souffre seulement. Gardez-moi un peu de sympathie. Qui sait ? L’avenir est toujours inconnu. Il est bien vague, bien obscur devant moi. Que je puisse me dire que j’ai été bonne, simple, franche avec vous, et que vous ne l’avez pas oublié. Avec le temps, vous comprendrez, vous pardonnerez. Dès aujourd’hui ayez un peu de pitié.

Il ne l’écoutait pas, apaisé seulement par la caresse de cette voix, où les sons coulaient limpides et clairs. Il dit en sursaut :

— Vous ne l’aimez pas. C’est moi que vous aimez. Alors ?…

Elle hésita, glissa :

— Ah ! dire ce qu’on aime ou ce qu’on n’aime pas, c’est une chose qui n’est pas facile pour une femme, au moins pour moi. Car je ne sais pas comment font les autres. Mais la vie n’est pas clémente. On est jetée, poussée, ballottée…

Il la regarda, très calme. Il lui était venu une