Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/322

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vous donniez pas tout entière ? Que me sert-il que vous m’ayez trompé, maintenant que je sais ce que je ne voulais pas savoir ? »

Elle s’arrêta ; ses yeux se voilaient. Elle songea : Nous étions si heureux tout à l’heure ! Qu’est-il arrivé, mon Dieu ? Et moi qui me réjouissais de sa joie, quand elle n’était déjà plus ! Il vaudrait mieux ne pas écrire, puisque les lettres ne montrent que des sentiments évanouis, des idées effacées.

Elle lut plus avant. Et, voyant qu’il était déchiré de jalousie, elle se découragea :

— Si je ne lui ai pas prouvé que je l’aime de toutes mes forces, que je l’aime de tout moi, comment le lui persuader jamais ?

Et elle avait hâte de découvrir la cause de cette brusque folie. Jacques la disait :

Déjeunant dans un cabaret de la rue Royale, il y avait rencontré un ancien camarade qui, venant de prendre les eaux et allant à la mer, traversait Paris. Ils s’étaient mis à causer ensemble ; le hasard voulut que cet homme, très répandu dans le monde, parlât de la comtesse Martin, qu’il connaissait. Et tout de suite, interrompant le récit, Jacques s’écriait :

« Thérèse, Thérèse, à quoi bon m’avoir menti, puisque je devais apprendre un jour ce que j’étais seul à ignorer ? Mais l’erreur vient de moi plus