Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/350

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Et, tandis qu’ils agitaient des noms, Thérèse revoyait en elle-même les images de sa vie intime.

Elle était revenue à Paris avec le comte Martin dès la rentrée des Chambres, et depuis ce moment elle menait une vie enchantée.

Jacques l’aimait ; il l’aimait avec un mélange délicieux de passion et de tendresse, d’expérience savante et d’ingénuité curieuse. Il était nerveux, irritable, inquiet. Mais l’inégalité de son humeur donnait plus de prix à sa gaieté. Cette gaieté artiste, éclatant soudain comme une flamme, caressait l’amour sans l’offenser. Et c’était l’émerveillement de Thérèse que ce rire spirituel de son ami. Elle n’aurait jamais imaginé ce goût sûr qu’il mettait naturellement dans le caprice joyeux et dans la fantaisie familière. Aux premiers temps, il ne lui avait montré qu’une ardeur monotone et sombre. Et cela seul l’avait prise. Mais, depuis, elle avait découvert en lui une âme gaie, abondante et diverse, une grâce unique dans la sensualité, le don de flatter, de contenter toute l’âme avec la chair.

— Un ministère homogène, s’écria Garain, c’est bientôt dit. Il n’en faut pas moins s’inspirer des tendances propres aux différentes fractions de la chambre.

Il était inquiet. Il se voyait entouré d’autant