Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/369

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Et il prit sa place, tranquille, goûtant les réalités de la puissance.

Cependant, au foyer, dans les couloirs, dans la salle, les noms des nouveaux ministres passaient de bouche en bouche, au milieu d’une molle indifférence : Présidence du Conseil et Intérieur, Berthier d’Eyzelles ; Justice et Cultes, Loyer ; Finances, Martin-Bellème. On les connaissait tous, hors les titulaires du Commerce, de la Guerre et de la Marine, qui n’étaient pas encore désignés.

Le rideau s’était levé sur le cabaret du dieu Bacchus. Les étudiants chantaient leur deuxième chœur, quand madame Martin parut dans sa loge, les cheveux tordus sur le haut de la tête ; sa robe blanche avait des manches comme des ailes, et, sur la draperie du corsage, au sein gauche, brillait un grand lys de rubis.

Miss Bell s’assit près d’elle, en robe Queen Ann de velours vert. Fiancée au prince Eusebio Albertinelli della Spina, elle était venue à Paris commander son trousseau.

Dans le mouvement et le bruit de la kermesse :

— Darling, dit miss Bell, vous avez laissé à Florence un ami qui garde précieusement le charme de votre souvenir. C’est le professeur Arrighi. Il vous réserve la louange qui est pour