Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/391

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Elle se dit : « Il souffre aussi, lui… Il m’a regardée avec tant de désespoir et de colère ! »

Elle avait tout son courage et toute son ardeur. Ce qui l’impatientait, c’était d’être là, prisonnière, et comme au secret. Libre quand viendrait le jour, elle irait, elle le verrait, elle lui expliquerait tout. C’était si clair ! Dans la monotonie douloureuse de sa pensée, elle écoutait le roulement des charrettes qui, à longs intervalles, passaient sur le quai. Ce bruit, qui lui coupait les heures, l’occupait, l’intéressait presque. Elle tendait l’oreille à la rumeur d’abord faible et lointaine, puis grossie et dans laquelle se distinguaient le frottement des roues, le grincement des essieux, le choc des sabots ferrés, et qui, s’affaiblissant peu à peu, finissait en un murmure imperceptible.

Et, quand revenait le silence, elle retombait dans son idée.

Il comprendrait qu’elle l’aimait, qu’elle n’avait jamais aimé que lui. Le malheur, c’est que la nuit fût si lente à couler. Elle n’osait pas regarder sa montre, de peur d’y voir l’accablante immobilité du temps.

Elle se leva, alla à la fenêtre et souleva les rideaux. Une lueur pâle était répandue dans le ciel nuageux. Elle crut que c’était le jour qui