Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/397

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franc qu’il en fut frappé. Mais, presque aussitôt, il rappela du dedans de lui-même toute sa souffrance.

Il lui dit :

— Que me voulez-vous encore ? Vous m’avez fait tout le mal que vous pouviez me faire.

La fatigue lui donnait un air de douceur. Elle en fut effrayée.

— Jacques, écoutez-moi…

Il lui fit signe qu’il n’avait rien à entendre d’elle.

— Jacques, écoutez-moi. Je ne vous ai pas trompé. Oh ! non, je ne vous ai pas trompé. Est-ce que c’était possible ? Est-ce que…

Il l’interrompit :

— Ayez pitié de moi. Ne me faites plus de mal. Laissez-moi, je vous en supplie. Si vous saviez la nuit que j’ai passée, vous n’auriez pas le courage de me tourmenter encore.

Il se laissa tomber sur le divan où, six mois auparavant, il lui avait donné des baisers sous sa voilette.

Il avait marché toute la nuit, au hasard, remonté la Seine, jusqu’à la trouver bordée de saules et de peupliers. Pour ne pas trop souffrir, il avait imaginé des distractions. Sur le quai de Bercy, il avait regardé la lune courir dans les nuages. Pendant une heure il l’avait vue se voiler