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Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/208

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— En effet, dit Frémont, j’ai appris ce matin à la préfecture qu’on coupait une tête dans votre ville. Tout le monde en parle.

— On a si peu de distractions, en province ! dit M. de Terremondre.

— Mais celle-là, dit M. Bergeret, est dégoûtante. On tue légalement dans l’ombre. Pourquoi le faire encore puisqu’on en a honte ? Le président Grévy, qui était fort intelligent, avait aboli virtuellement la peine de mort, en ne l’appliquant jamais. Que ses successeurs n’ont-ils imité son exemple ! La sécurité des individus dans les sociétés modernes ne repose pas sur la terreur des supplices. La peine de mort est abolie dans plusieurs nations de l’Europe, sans qu’il s’y commette plus de crimes que dans les pays où subsiste cette ignoble pratique. Là même où cette coutume dure encore, elle languit et s’affaiblit. Elle n’a plus ni force ni vertu. C’est une laideur inutile. Elle survit à son principe. Les idées de justice et de droit, qui