Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/264

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pour ne point mécontenter les purs du département, madame Worms-Clavelin cachait que sa fille fût élevée chez des religieuses. Le secret pourtant en avait été surpris, et parfois la feuille cléricale du département publiait un filet que le conseiller de préfecture, M. Lacarelle, mettait, entouré d’un trait de crayon bleu, sous les yeux de M. le préfet, qui lisait :


Est-il vrai que le juif persécuteur, placé par les francs-maçons à la tête de l’administration départementale pour combattre Dieu parmi nos populations fidèles, fait élever sa fille dans un couvent ?


M. Worms-Clavelin haussait les épaules et jetait le journal au panier. Le surlendemain, le rédacteur catholique insérait un nouveau filet, comme on pouvait s’y attendre après avoir lu le premier.


J’ai demandé au préfet juif, Worms-Clavelin, s’il était vrai qu’il fît élever sa fille dans un couvent. Ce franc-maçon ne m’ayant pas répondu, pour cause, je ferai moi-même la réponse à ma question. Ce juif