Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/12

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soir tombait avec une majesté mélancolique sur la chaîne basse des collines. Quand déjà les noirs escadrons des corneilles avaient gagné les remparts, seul dans le ciel d’opale, un épervier tournait, les ailes immobiles, au-dessus d’une yeuse isolée.

J’allais au devant du silence, de la solitude et des douces épouvantes qui grandissaient devant moi. Insensiblement la marée de la nuit recouvrait la campagne. Le regard infini des étoiles clignait au ciel. Et, dans l’ombre, les mouches de feu faisaient palpiter sur les buissons leur lumière amoureuse.

Ces étincelles animées couvrent par les nuits de mai toute la campagne de Rome, de l’Ombrie et de la Toscane. Je les avais vues jadis sur la voie Appienne, autour du tombeau de Cæcilia Metella, où elles viennent danser depuis deux mille ans. Je les retrouvais sur la terre de Sainte Catherine et de la Pia de’Tolomei, aux portes de cette ville de Sienne, douloureuse et charmante. Tout le long de mon chemin, elles vibraient dans les herbes et dans les arbustes, se cherchant et, parfois, à l’appel du désir, traçant au-dessus de la route l’arc enflammé de leur vol.