Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/28

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de leur chair plus ondoyante et plus vive que l’eau du ruisseau qui, près d’elles, coulait soue les saules.

À cette vue, Fra Mino tomba, d’esprit et d’intention, dans le péché. Il désira être un de ces démons à demi hommes et à demi bêtes, et tenir sur sa poitrine, à leur manière, la dame de Florence qu’en la fleur de son âge il avait aimée, et qui était morte.

Mais déjà les hommes-boucs se dispersaient dans la campagne. Les uns recueillaient du miel au tronc des chênes, les autres taillaient des roseaux en forme de flûte, ou, bondissant l’un contre l’autre, entrechoquaient leurs fronts cornus. Et les corps inertes des nymphes, dépouilles charmantes de l’amour, jonchaient la prairie. Fra Mino gémissait sur la dalle ; car le désir du péché avait été si vif en lui, que maintenant il en éprouvait la honte tout entière.

Tout à coup, une des nymphes couchées ayant, d’aventure, tourné le regard vers lui, s’écria :

— Un homme ! un homme !

Et, le montrant du doigt à ses compagnes :