Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corps mêlés des amants. Aussi bien n’étaient-ils plus qu’une brume légère. le froid leur faisait beaucoup de mal. Une nuit, comme la neige avait couvert la campagne, les nymphes Églé, Néère, Mnaïs et Mélibée se glissèrent par les fentes du marbre dans l’étroite et sombre chambre que j’habitais. Leurs compagnes en foule les y suivirent, et les faunes, se jetant à leur poursuite, les eurent bientôt rejointes. Ma maison fut leur maison. Nous n’en sortions guère, sinon pour aller au bois quand la nuit était belle. Encore avaient-ils hâte de rentrer au premier chant du coq. Car il faut t’apprendre, mon fils, que, seul de la race cornue, j’ai licence de paraître sur cette terre à la lumière du jour. C’est un privilège attaché à mon état de sainteté.

» Ma sépulture inspirait plus de vénération que jamais aux habitants des campagnes et, chaque jour, les jeunes mères me présentaient leurs nourrissons qu’elles soulevaient, nus, entre leurs bras. Lorsque les fils de Saint François vinrent s’établir dans la contrée et firent bâtir un monastère au flanc de la colline, ils demandèrent au seigneur évêque qu’il leur per-