Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/55

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Jésus-Christ. J’ai vu l’auréole des saints sur le front cornu du Satyre, en signe que Jésus-Christ a tiré des limbes les sages et les poètes de l’antiquité.

La nuit était déjà très avancée quand, ayant achevé sa tâche, fra Mino s’étendit sur son lit pour y prendre un peu de repos. Au moment qu’il commençait de sommeiller, une vieille femme entra par la fenêtre dans un rayon de lune. Il la reconnut pour la plus horrible des sorcières qu’il avait vues dans la chapelle de San Michele.

— Mon mignon, lui dit-elle, qu’as-tu fait aujourd’hui ? Nous t’avions pourtant averti, moi et mes douces sœurs, de ne point révéler nos secrets. Car si tu nous trahissais, nous te ferions mourir. Et j’en serais affligée, car je t’aime tendrement.

Elle le tint embrassé, l’appela son Adonis céleste et son petit âne blanc, et lui fit d’ardentes caresses.

Comme il la repoussait avec dégoût :

— Enfant, lui dit-elle, tu me dédaignes parce que mes yeux sont bordés de rouge, mes narines rongées par l’âcre et puante humeur qu’elles distillent, et mes gencives