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LES DIEUX ONT SOIF

par la trahison, l’absence, l’infidélité et l’embonpoint, il ne la trouvât appétissante. En tout cas, il l’accueillit sur le palier sordide, aux carreaux disjoints, comme autrefois sur les degrés du perron des Ilettes et la pria de lui faire l’honneur de visiter son grenier. Elle monta assez lestement l’échelle et se trouva sous une charpente dont les poutres penchantes portaient un toit de tuiles percé d’une lucarne. On ne pouvait s’y tenir debout. Elle s’assit sur la seule chaise qu’il y eût en ce réduit et, ayant promené un moment ses regards sur les tuiles disjointes, elle demanda, surprise et attristée :

— C’est là que vous habitez, Maurice ? Vous n’avez guère à y craindre les importuns. Il faut être diable ou chat pour vous y trouver.

— J’y ai peu d’espace, répondit le ci-devant. Et je ne vous cache pas que parfois il y pleut sur mon grabat. C’est un faible inconvénient. Et durant les nuits sereines j’y vois la lune, image et témoin des amours des hommes. Car la lune, madame, fut de tout temps attestée par les amoureux, et dans son plein, pâle et ronde, elle rappelle à l’amant l’objet de ses désirs.

— J’entends, dit la citoyenne.

— En leur saison, poursuivit Brotteaux, les chats font un beau vacarme dans cette gouttière. Mais il faut pardonner à l’amour de miauler