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LES DIEUX ONT SOIF

pirer. Sous apparence de préparer le bonheur universel et le règne de la justice, ceux qui proposaient comme un objet digne de l’effort des citoyens l’égalité et la communauté des biens étaient des traîtres et des scélérats plus dangereux que les fédéralistes.

Mais la plus grande révélation que lui eût apportée la sagesse de Robespierre, c’était les crimes et les infamies de l’athéisme. Gamelin n’avait jamais nié l’existence de Dieu ; il était déiste et croyait à une providence qui veille sur les hommes ; mais, s’avouant qu’il ne concevait que très indistinctement l’Être suprême et très attaché à la liberté de conscience, il admettait volontiers que d’honnêtes gens pussent, à l’exemple de Lamettrie, de Boulanger, du baron d’Holbach, de Lalande, d’Helvétius, du citoyen Dupuis, nier l’existence de Dieu, à la charge d’établir une morale naturelle et de retrouver en eux-mêmes les sources de la justice et les règles d’une vie vertueuse. Il s’était même senti en sympathie avec les athées, quand il les avait vus injuriés ou persécutés. Maximilien lui avait ouvert l’esprit et dessillé les yeux. Par son éloquence vertueuse, ce grand homme lui avait révélé le vrai caractère de l’athéisme, sa nature, ses intentions, ses effets ; il lui avait démontré que cette doctrine, formée dans les salons et les