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LES DIEUX ONT SOIF

devinait des magasins regorgeant de vivres accaparés ; à travers les vitres étincelantes des traiteurs, il lui semblait entendre les propos des agioteurs qui préparaient la ruine du pays en vidant des bouteilles de vin de Beaune ou de Chablis ; dans les ruelles infectes, il apercevait les filles de joie prêtes à fouler aux pieds la cocarde nationale aux applaudissements de la jeunesse élégante ; il voyait partout des conspirateurs et des traîtres. Et il songeait : « République ! contre tant d’ennemis secrets ou déclarés, tu n’as qu’un secours. Sainte guillotine, sauve la patrie !… »

Élodie l’attendait dans sa petite chambre bleue, au-dessus de l’Amour peintre. Pour l’avertir qu’il pouvait entrer, elle mettait sur le rebord de la fenêtre son petit arrosoir vert, près du pot d’œillets. Maintenant il lui faisait horreur, il lui apparaissait comme un monstre : elle avait peur de lui et elle l’adorait. Toute la nuit, pressés éperdument l’un contre l’autre, l’amant sanguinaire et la voluptueuse fille se donnaient en silence des baisers furieux.