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LES DIEUX ONT SOIF

donnerait ses péchés et la recevrait en sa sainte miséricorde.

Puis, remarquant que Brotteaux tenait un livre à la main, elle crut que c’était un livre de messe et dit :

— Vous voyez bien que, vous aussi, vous dites vos prières ! Dieu vous récompensera de ce que vous avez fait pour moi.

Brotteaux lui ayant dit que ce livre n’était pas un livre de messe, et qu’il avait été écrit avant que l’idée de messe se fût introduite dans le monde, elle pensa que c’était une Clef des Songes, et demanda s’il ne s’y trouvait pas l’explication d’un rêve extraordinaire qu’elle avait fait. Elle ne savait pas lire et ne connaissait, par ouï-dire, que ces deux sortes d’ouvrages.

Brotteaux lui répondit que ce livre n’expliquait que le songe de la vie. La belle enfant, trouvant cette réponse difficile, renonça à la comprendre et se trempa le bout du nez dans la terrine qui remplaçait pour Brotteaux les cuvettes d’argent dont il usait autrefois. Puis elle arrangea ses cheveux devant le miroir à barbe de son hôte, avec un soin minutieux et grave. Ses bras blancs recourbés sur sa tête, elle prononçait quelques paroles, à longs intervalles.