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XV

Il fallait vider les prisons qui regorgeaient ; il fallait juger, juger sans repos ni trêve. Assis contre les murailles tapissées de faisceaux et de bonnets rouges, comme leurs pareils sur les fleurs de lis, les juges gardaient la gravité, la tranquillité terrible de leurs prédécesseurs royaux. L’accusateur public et ses substituts, épuisés de fatigue, brûlés d’insomnie et d’eau-de-vie, ne secouaient leur accablement que par un violent effort ; et leur mauvaise santé les rendait tragiques. Les jurés, divers d’origine et de caractère, les uns instruits, les autres ignares, lâches ou généreux, doux ou violents, hypocrites ou sincères, mais qui tous, dans le danger de la patrie et de la République, sentaient ou feignaient