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LES DIEUX ONT SOIF

ment criaient : « À mort ! » ou raillaient ceux qui allaient mourir. Les hommes haussaient les épaules, détournaient la tête et se taisaient, soit par prudence, soit par respect des lois.

Il y eut un frisson dans la foule quand Athénaïs passa le guichet. Elle avait l’air d’un enfant.

Elle s’inclina devant le religieux :

— Monsieur le curé, lui dit-elle, donnez-moi l’absolution.

Le Père Longuemare murmura gravement les paroles sacramentelles, et dit :

— Ma fille ! Vous êtes tombée dans de grands désordres ; mais que ne puis-je présenter au Seigneur un cœur aussi simple que le vôtre !

Elle monta, légère, dans la charrette. Et là, le buste droit, sa tête d’enfant fièrement dressée, elle s’écria :

— Vive le roi !

Elle fit un petit signe à Brotteaux pour lui montrer qu’il y avait de la place à côté d’elle. Brotteaux aida le barnabite à monter et vint se placer entre le religieux et l’innocente fille.

— Monsieur, dit le Père Longuemare au philosophe épicurien, je vous demande une grâce : ce Dieu auquel vous ne croyez pas encore, priez-le pour moi. Il n’est pas sûr que vous ne soyez pas plus près de lui que je ne le