Page:Anatole France - M. Leconte de Lisle à l’Académie française, paru dans Le Temps, 27 mars 1887.djvu/5

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écrire des vers admirables quand on est, comme lui, un grand poète. Mais il y a bien autre chose, en réalité, dans ces temps qui nous sembleraient moins obscurs si nous les connaissions mieux. Il y a des hommes qui firent sans doute beaucoup de mal, car on ne peut vivre sans nuire, mais qui firent plus de bien encore, puisqu’ils préparèrent le monde meilleur dont nous jouissons aujourd’hui. Ils ont beaucoup souffert, ils ont beaucoup aimé. Ils ont procédé, dans des conditions que les invasions et le mélange des races rendaient très difficiles, à une organisation nouvelle de la société humaine, qui représente une somme de travail et d’efforts dont on reste étonné. Ils portèrent au plus haut degré de l’héroïsme les vertus militaires, qui sont les vertus fondamentales sur lesquelles tout l’ordre humain repose encore aujourd’hui. Ils apportèrent au monde ce qui l’honore peut-être le plus : l’esprit chevaleresque. Je sais bien qu’ils étaient violents ; mais j’admire les hommes violents qui travaillent d’un cœur simple à fonder la justice sur la terre et servent à grands coups les grandes causes.