Page:Anatole France - Thaïs.djvu/106

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ville, le fils du proconsul s’approcha d’elle, tout brillant de jeunesse et de volupté, et lui dit d’une voix qui semblait mouillée de baisers :

— Que ne suis-je, Thaïs, la couronne qui ceint ta chevelure, la tunique qui presse ton corps charmant, la sandale de ton beau pied ! Mais je veux que tu me foules à tes pieds comme une sandale ; je veux que mes caresses soient ta tunique et ta couronne. Viens, belle enfant, viens dans ma maison et oublions l’univers.

Elle le regarda tandis qu’il parlait et elle vit qu’il était beau. Soudain elle sentit la sueur qui lui glaçait le front ; elle devint verte comme l’herbe ; elle chancela ; un nuage descendit sur ses paupières. Il la priait encore. Mais elle refusa de le suivre. En vain, il lui jeta des regards ardents, des paroles enflammées, et quand il la prit dans ses bras en s’efforçant de l’entraîner, elle le repoussa avec rudesse. Alors il se fit suppliant et lui montra ses larmes. Sous l’empire d’une force nouvelle, inconnue, invincible, elle résista.

— Quelle folie ! disaient les convives. Lol-