Page:Anatole France - Thaïs.djvu/130

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Il pensa que la main de Jésus s’était posée sur ses yeux pour lui cacher cette femme. Rassuré par un tel secours, raffermi, fortifié, il dit avec une gravité digne d’un ancien du désert :

— Si tu te livres à moi, crois-tu donc être cachée à Dieu ?

Elle secoua la tête.

— Dieu ! Qui le force à toujours avoir l’oeil sur la grotte des Nymphes ? Qu’il se retire si nous l’offensons ! Mais pourquoi l’offenserions-nous ? Puisqu’il nous a créés, il ne peut être ni fâché ni surpris de nous voir tels qu’il nous a faits et agissant selon la nature qu’il nous a donnée. On parle beaucoup trop pour lui et on lui prête bien souvent des idées qu’il n’a jamais eues. Toi-même, étranger, connais-tu bien son véritable caractère ? Qui es-tu pour me parler en son nom ?

À cette question, le moine, entr’ouvrant sa robe d’emprunt, montra son cilice et dit :

— Je suis Paphnuce, abbé d’Antinoé, et je viens du saint désert. La main qui retira Abraham de Chaldée et Loth de Sodome m’a séparé du siècle. Je n’existais déjà plus pour les hommes. Mais ton image m’est apparue