Page:Anatole France - Thaïs.djvu/135

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tristesses et bien des amertumes, et voici que je suis lasse infiniment. Toutes les femmes envient ma destinée, et il m’arrive parfois d’envier le sort de la vieille édentée qui, du temps que j’étais petite, vendait des gâteaux de miel sous une porte de la ville. C’est une idée qui m’est venue bien des fois, que seuls les pauvres sont bons, sont heureux, sont bénis, et qu’il y a une grande douceur à vivre humble et petit Moine, tu as remué les ondes de mon âme et fait monter à la surface ce qui dormait au fond. Qui croire, hélas ! Et que devenir, et qu’est-ce que la vie ?

Tandis qu’elle parlait de la sorte, Paphnuce était transfiguré ; une joie céleste inondait son visage :

— Ecoute, dit-il, je ne suis pas entré seul dans ta demeure. Un Autre m’accompagnait, un Autre qui se tient ici debout à mon côté. Celui-là, tu ne peux le voir, parce que tes yeux sont encore indignes de le contempler ; mais bientôt tu le verras dans sa splendeur charmante et tu diras : « Il est seul aimable ! » Tout à l’heure, s’il n’avait posé sa douce main sur mes yeux, ô Thaïs ! je serais peut-être