Page:Anatole France - Thaïs.djvu/145

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Elle les regarda pâlir, leur tourna le dos et s’assit sur un lit à côté de Paphnuce. La voix de Cotta, impérieuse et bienveillante, domina tout à coup le murmure des propos intimes :

— Amis, que chacun prenne sa place ! Esclaves, versez le vin miellé !

Puis, l’hôte élevant sa coupe :

— Buvons d’abord au divin Constance et au Génie de l’empire. La patrie doit être mise au-dessus de tout, et même des dieux, car elle les contient tous.

Tous les convives portèrent à leurs lèvres leurs coupes pleines. Seul, Paphnuce ne but point, parce que Constance persécutait la foi de Nicée et que la patrie du chrétien n’est point de ce monde.

Dorion, ayant bu, murmura :

— Qu’est-ce que la patrie ! Un fleuve qui coule. Les rives en sont changeantes et les ondes sans cesse renouvelées.

— Je sais, Dorion, répondit le préfet de la flotte, que tu fais peu de cas des vertus civiques et que tu estimes que le sage doit vivre étranger aux affaires. Je crois, au contraire, qu’un honnête homme ne doit rien tant désirer que