Page:Anatole France - Thaïs.djvu/173

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Semblables aux vierges athéniennes avec les corbeilles sacrées de Cérès, douze jeunes filles, portant sur leur tête des paniers de grenades et de pommes, entrèrent dans la salle d’un pas léger dont la cadence était marquée par une flûte invisible. Elles posèrent les paniers sur la table, la flûte se tut et Zénothémis parla de la sorte :

— Quand Eunoia, la pensée de Dieu, eut créé le monde, elle confia aux anges le gouvernement de la terre. Mais ceux-ci ne gardèrent point la sérénité qui convient aux maîtres. Voyant que les filles des hommes étaient belles, ils les surprirent, le soir, au bord des citernes, et ils s’unirent à elles. De ces hymens sortit une race violente qui couvrit la terre d’injustice et de cruautés, et la poussière des chemins but le sang innocent. À cette vue Eunoia fut prise d’une tristesse infinie :

» — Voilà donc ce que j’ai fait ! soupira-t-elle, en se penchant vers le monde. Mes enfants sont plongés par ma faute dans la vie amère. Leur souffrance est mon crime et je veux l’expier. Dieu même, qui ne pense que par moi, serait impuissant à leur rendre la pureté