Page:Anatole France - Thaïs.djvu/183

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« Vos images, dieux, que vous avez posées dans le temple de mon âme, je ne les ai point souillées ; j’y ai suspendu mes pensées ainsi que des guirlandes, des bandelettes et des couronnes. J’ai vécu en conformité avec votre providence. J’ai assez vécu. »

En parlant ainsi, il levait les bras au ciel et son visage resplendissait de lumière.

Il resta pensif un instant. Puis il reprit avec une allégresse profonde :

— Détache-toi de la vie, Eucrite, comme l’olive mûre qui tombe, en rendant grâce à l’arbre qui l’a portée et en bénissant la terre sa nourrice !

À ces mots, tirant d’un pli de sa robe un poignard nu, il le plongea dans sa poitrine.

Quand ceux qui l’écoutaient saisirent ensemble son bras, la pointe du fer avait pénétré dans le cœur du sage ; Eucrite était entré dans le repos. Hermodore et Nicias portèrent le corps pâle et sanglant sur un des lits du festin, au milieu des cris aigus des femmes, des grognements des convives dérangés dans leur assoupissement et des souffles de volupté étouffés dans l’ombre des tapis. Le vieux