Page:Anatole France - Thaïs.djvu/184

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Cotta, réveillé de son léger sommeil de soldat, était déjà auprès du cadavre, examinant la plaie et criant :

— Qu’on appelle mon médecin Aristée !

Nicias secoua la tête :

— Eucrite n’est plus, dit-il. Il a voulu mourir comme d’autres veulent aimer. Il a, comme nous tous, obéi à l’ineffable désir. Et le voilà maintenant semblable aux dieux qui ne désirent rien.

Cotta se frappait le front :

— Mourir ? vouloir mourir quand on peut encore servir l’État, quelle aberration !

Cependant Paphnuce et Thaïs étaient restés immobiles, muets, côte à côte, l’âme débordant de dégoût, d’horreur et d’espérance.

Tout à coup le moine saisit par la main la comédienne ; enjamba avec elle les ivrognes abattus près des êtres accouplés et, les pieds dans le vin et le sang répandus, il l’entraîna dehors.

Le jour se levait rose sur la ville. Les longues colonnades s’étendaient des deux côtés de la voie solitaire, dominées au loin par le