Page:Anatole France - Thaïs.djvu/212

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serait folie de redouter la venue de ce qui est arrivé. Elle existe comme la dernière page d’un livre que je lis et que je n’ai pas fini.

Ce raisonnement l’occupa sans l’égayer tout le long de sa route ; il avait l’âme noire quand, arrivé au seuil de sa maison, il entendit les rires clairs de Crobyle et de Myrtale, qui jouaient à la paume en l’attendant.

Paphnuce et Thaïs sortirent de la ville par la porte de la Lune et suivirent le rivage de la mer.

— Femme, disait le moine, toute cette grande mer bleue ne pourrait laver tes souillures.

Il lui parlait avec colère et mépris :

— Plus immonde que les lices et les laies, tu as prostitué aux païens et aux infidèles un corps que l’Éternel avait formé pour s’en faire un tabernacle, et tes impuretés sont telles que, maintenant que tu sais la vérité, tu ne peux plus unir tes lèvres ou joindre les mains sans que le dégoût de toi-même ne te soulève le cœur.

Elle le suivait docilement, par d’âpres chemins,